L’autre jour je lisais un chapitre de Femme qui court avec les Loups où Clarissa Pinkola Estés écrivait que le concept du dieu unique rejetait la puissante sagesse des cultures païennes sauvages.
Même si l’histoire regorge d’événements d’une violence innommable contre la sagesse des sorcières, violence menée par l’Eglise au nom d’un dieu unique, tout cela ne représente pas la beauté de ce que dieu unique veut, selon moi, vraiment dire.
La vérité qui résonne en moi est que la multiplicité des dieux païens et sauvages (des peuples qui vivent avec la Terre, la Mère) est loin d’être incompatible avec le dieu unique du monothéisme (des peuples qui recherchent le paradis des cieux, Le Père).
En fait ils ont besoin l’un de l’autre. Ils dansent ensemble.
C’est la différence entre exclusif et inclusif, dans unicité il y a unité : dire qu’il n’y a qu’un dieu c’est précisément dire que toutes ses multiples représentations sont toutes des aspects du même dieu.
Il n’y a peut-être qu’un dieu chez les monothéistes mais à quoi pensez vous que servent les saints, les patriarches et matriarches, les prophètes, les anges, les esprits, le messie, les histoires,… ? La diversité des dieux païens, égyptiens, grecs, romains, hindous et toute autre culture polythéiste n’est que l’expression d’archétypes, que des représentations de la Force unique qui crée et détruit, la Source, ce qui nous lie.
Dire qu’il n’y a qu’un dieu et exclure la multiplicité de ses représentations n’est que l’expression d’un masculin blessé qui ne connaît pas son pouvoir et pense devoir contrôler et dominer pour subsister. De la même manière, dire que le concept de dieu unique tue et exclut ses « victimes » : les sauvages, est une expression du féminin blessé qui se sent rejeté. Chacun a ses raisons et est complètement valide vu notre Histoire. Mais ce n’est pas la seule vérité.
La version sacrée, divine, guérie, de notre masculin / féminin est de savoir que cette multiplicité n’a pas la capacité d’abîmer l’unicité éternelle de ce qui nous lie, et donc qu’on peut recevoir sans crainte tout le spectre d’expressions de la divinité. Chacun prend ce qui résonne, et laisse le reste. Rien n’est jamais obligatoire.
C’est la danse divine des dualités : le masculin sacré tient l’espace éternellement, tel un soleil, et ainsi peut être présent à toutes les expressions lunaires du féminin sacré. C’est inclusif pas exclusif. Le message pur originel (et non rigide ou dogmatique) des monothéismes est : vu qu’il n’y en a qu’un, la seule réponse possible est que TOUT est inclus dedans! Toutes les représentations, tous les noms, toutes les phases, toutes les saisons, toutes les émotions, tout. Si dieu est partout et si dieu est UN alors TOUT est dieu. Le message est « soyez rassurés, tout est béni, et sachez le ! Répétez le à vous-même chaque jour ! » et non pas « seuls les bons sont bénis ». C’est juste que seuls ceux qui savent que tout est béni le ressentent, et du coup font le « bien », mais ceux qui ne savent pas sont bénis aussi !
Dans les textes originaux de la Torah il est dit non seulement que Dieu est Un mais aussi qu’on ne peut représenter dieu, ni le nommer. Mais Le message n’est pas « tu ne peux pas » dans le sens « il n’y a qu’un dieu, tout autre vérité est mécréante, on n’a pas le droit de le représenter, on n’a pas le droit de le nommer », le message est : « tu ne peux pas » dans le sens « c’est impossible de le représenter ! ce n’est pas possible de le nommer ! » parce qu’il relève du Tout infini, il ne PEUT tout simplement PAS rentrer dans les cases du langage, ni des images !
T’as compris le truc? Il n’y a pas de guerre là. Pas d’interdiction. C’est juste que si tu penses avoir réussi à le mettre dans une case, dans un archétype, dans un messie unique, ou dans un guru, tu vas te perdre. (Mais libre à toi ! Même ça ne peut t’empêcher d’être béni, tu es simplement invité à t’en souvenir pour arrêter de t’égarer, si tu le souhaites).
Justement l’unicité soutient la multiplicité des représentations : plus il y en a plus ça se rapproche de l’infinité que le dieu unique est vraiment ! (C’est mathématique !).
Toutes les représentations sont une facette d’un même diamant fractal.
Et toutes les cultures (polythéistes ou monothéistes, ou agnostiques ou athées ou quoique ce soit) sont une facette d’une vérité. Personne n’a plus raison qu’un autre. On choisit ce qui résonne en soi, c’est tout.
La rigidité des religions est un malentendu, le résultat d’une blessure profonde de sentiment d’exclusion.
Évidemment que l’humanité est tombée là dedans, puisqu’on est l’expression même de l’exclusion du tout : la séparation en un être humain unique et différent de « l’autre ». Même cette dérive due à la violence de cette blessure de séparation, qui dure depuis des millénaires, est sacrée et nécessaire.
Mais il y a la possibilité d’une vérité plus haute, inclusive.
La séparation nous a plongé dans les ténèbres mais au fur et à mesure que l’humanité guérit, le masculin spirale vers le sacré (Lumière) grâce au féminin (Amour) qui y spirale aussi, l’un grâce à l’autre. Et ainsi on se rend compte que précisément parce que nous savons (savoir: Lumière) que nous sommes tous UN, nous sommes ce dieu, l’amour de tous inconditionnellement devient possible GRÂCE à cette séparation (comment aimer s’il n’y a pas « d’autre » à aimer ?) et permet d’inclure tout le monde.
Le phœnix peut s’élever.
Rafaëlle Cohen
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